« Tout-Monde — éclats/clameurs » – c’est reparti!

Voilà un an jour pour jour, le 25 mai 2015, nous présentions sur le plateau du théâtre La Commune un tout premier travail sur Édouard Glissant: « Tout-Monde — éclats/clameurs ».

C’était avec Yann Berlier, Lola Cambourieu, Guillaume-Harry Françoise, Corentin Gallet (rhapsode/chant), Colette Othenin-Girard (saxophone ténor), Kaoru Nishima (clarinette), Sebastián Sarasa Molina (saxophone) et Jean-Michel Sinou (clarinette basse), à l’occasion des travaux de fin d’études théâtrales du CRR93 d’Aubervilliers-la Courneuve.

Aujourd’hui, parce que ça nous avait beaucoup cette aventure-là, et parce que ce travail, qui parle de « poétique de la relation », de « pensée du tremblement », de « créolisation », de « chaos-monde », de « mémoires des esclavages » et du partage de ces mémoires, nous semble toujours aussi nécessaire et important, nous remettons ça, mais dans une autre version, avec une une nouvelle dramaturgie pour une équipe renouvelée. Il y a que le théâtre est un art vivant, et quand la vie s’invite, et quand deux en ont pour trois, c’est tout chambardements!

Du 13 au 24 juin prochain, l’équipe de la compagnie Présences-Monde repartira donc en création pour une nouvelle version de Tout-Monde — éclats/clameurs; et c’est Confluences, ce fameux « lieu d’engagement artistique », qui a la bienveillance de poursuivre l’aventure avec nous et de nous accueillir dans ses locaux.

À nous bientôt de filer les imaginaires et les traces d’Édouard Glissant, d‘aller de monts en cohées, de morne en morne au gré de ses œuvres, d’en découdre et de les coudre sur le vif du plateau toujours mûs du même allant, tourbillonnant.

Avec Flavien Airault (percussions) Sophie Bourel (Rhapsode), Amélia Ewu, Guillaume-Harry Françoise, Sarah Mouline, Sebastián Sarasa Molina (saxophoneS), Gabriel Tamalet.

http://www.confluences.net/

www.edouardglissant.fr

Changer les imaginaires

Édouard Glissant — c’est par l’imaginaire que nous gagnerons à fond sur les dérélictions…

« Nous ne voyons pas toujours et le plus souvent nous tâchons à ne pas voir, la misère du monde, celle des forets du Rwanda et des rues de New-York, celle des ateliers clandestins d’Asie où les enfants ne grandissent pas et celle des hauteurs silencieuses des Andes, et celle de tous les lieux d’abaissement, de dégradation et de prostitution, et combien d’autres qui fulgurent au-devant de nos yeux écarquillés, mais nous ne pouvons pas ne pas admettre que cela fait un bruit, une rumeur inlassable que nous mélangeons sans savoir à la petite musique mécanique et serinante de nos progrès et de nos dérivages.
Chacun a ses raisons d’aller à cette écoute du monde et ces manières différentes servent à changer ce bruit du monde que tous en même nous entendons ici-là.
Et ces raisons, que nous avons arrachées en une difficile passion d’écrire et de créer,de vivre et de lutter, deviennent aujourd’hui pour nous des lieux communs que nous apprenons à partager; mais lieux communs précieux: contre les dérèglements des machines identitaires dont nous sommes si souvent la proie, comme par exemple du droit du sang, de la pureté de la race, de l’intégralité, sinon de l’intégrité du dogme.
Nos lieux communs, s’ils ne sont aujourd’hui d’aucune efficacité contre les oppressions concrètes qui stupéfient le monde, se tiennent pourtant capables de changer l’imaginaire des humanités: c’est par l’imaginaire que nous gagnerons à fond sur ces dérélictions qui nous frappent, tout autant qu’il nous aide déjà, dérivant nos sensibilités ,à les combattre. » 
 Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde, p18.