« dériver nos sensibilités »
« Nos lieux communs, s’ils ne sont aujourd’hui d’aucune efficacité, absolument d’aucune efficacité contre les oppressions concrètes qui stupéfient le monde, se tiennent pourtant capables de changer l’imaginaire des humanités: c’est par l’imaginaire que nous gagnerons à fond sur les dérélictions qui nous frappent, tout autant qu’il nous aide déjà, dérivant nos sensibilités, à les combattre ».
Édouard Glissant,
Traité du Tout-Monde
Associés, notre désir est de mettre en travail et en partage nos représentations et nos imaginaires, de favoriser l’ouverture d’une pensée de la complexité dans le sillage poétique et humaniste d’artistes et d’intellectuels aussi divers qu’Édouard Glissant, Claude Régy, Nadia Vadori-Gauthier, Fernando Pessoa, et bien d’autres encore, de tout ceux-là qui ne reconnaissent plus aux langues d’imparables moyens de vérité, des diktats d’assurance, mais des formes à filer, sans naïveté mais avec l’énigme, d’où s’immisce le vivant.
«Moi, je n’ai pas de philosophie: j’ai des sens…», écrit l’auteur d’Ode maritime et du Livre de l’intranquilité.
Par les arts de la scène, de la musique et des mots, par l’écoute des corps et des mémoires, son apprentissage, notre dessein est de forger au gré de créations, d’expositions et de rencontres, des « lieux-communs de l’imaginaire », d’inviter à ce regard où le réel se comprend comme « la somme des diversités qui le compose » — opacité vive, débordant toujours les idées qu’on en a, et de trouver à y « dériver nos sensibilités », conscients à clair-espoir qu’au loin de ces élans vifs, oui, «la poésie sauvera le monde».
Mettre ainsi du jeu dans cette adhérence aveugle au « langage alimentaire » tant décrié par Antonin Artaud. Désamorcer les pensées de système dans leur propension à devenir cancers de langage et tumeurs des imaginaires. Favoriser une meilleure inscription des hommes sans définitions fixes, des présences vivantes, dans l’écologie générale du monde.
Y driver dans son chaos, à la lueur de cette phrase d’Édouard Glissant, que « rien n’est vrai, tout est vivant ».